Que vais-je refaire dans cette galère

Quand Vivien m’a dit « allez viens à Cannes, on sera bien », je n’ai paradoxalement pas beaucoup réfléchi. Après tout, en quittant le festival il y a trois ans, on s’était promis de revenir. Alors comme je prétends être un homme de parole, j’ai de nouveau fait ma demande d’accréditation.

Ça remonte déjà à début février. Pour dire vrai, malgré les documents qu’elle nécessite de remplir, l’accréditation cinéphile n’est qu’une formalité. Nous l’avions démontré en 2010. Nous ne sommes ni membres d’un ciné-club, ni habitants de la région Paca, ni étudiants en cinéma. Nous ne sommes d’ailleurs plus étudiants, mais nous l’avons tout de même obtenue.

L’accréditation cinéphile se matérialise par un badge qui vous place tout en bas dans la hiérarchie des festivaliers. Ce n’est pas très confortable, car il faut batailler pour obtenir les invitations aux Grand Théâtre Lumière pour les projections de la sélection officielle. C’est à dire, celles qui commencent par la montée des marches sur le tapis rouge. Les « cinéphiles » sont les intérimaires du festival, sauf que la boutique ne ressemble pas à une agence immobilière avec des annonces de job à la place des photos de maisons, mais se présente comme un chapiteau carré. Tout est éphémère.

Bon, la précarité on connaît, on est jeunes journalistes. Alors ces contraintes, on les prend comme un jeu. La dernière fois, ça ne s’était pas trop mal passé, alors on veut bien recommencer la partie.

Une question se pose néanmoins. Je m’excuse d’être terre à terre, bassement matérialiste, salopard de capitaliste – au moins quelques instants – mais pourquoi faire 1.500 km pour n’être même pas sûrs de mater chaque jour des films dans des salles obscures, qui ressemblent finalement à toutes les salles obscures, hormis le fait que les films projetés soient en coréen sous-titré et qu’ils ne sortiront jamais à Lannion ?

Je laisserai mon compère se débrouiller avec cette énigme et je répondrai à titre personnel.

Parce qu’il y a surement autre chose que les films qui m’attire à Cannes. La plupart des journalistes accrédités, nos pairs parisiens et titulaires de leur poste dirons-nous pour simplifier, font le pèlerinage comme s’ils allaient au Club med’ tous ensemble au frais d’un CE particulièrement généreux. Le voyage est finement organisé. Il y a les animations, le soir sur les plages privatisées, dans les hôtels, voire dans les villas pour les pontes style Denisot. Dans la journée, il y a les excursions, passages tout de même obligés dans les salles de cinéma, qui permettent aussi de finir sa nuit et/ou de décuver. Et puis l’écriture des cartes postales qui servent juste à dire, « on y est et pas vous, bande de branques ». Et là, ça prend différentes formes. La chronique à la radio et le billet dans le cahier cinéma du canard sont les deux plus courues. L’intervention à la télé est plus rare, mais aussi plus contraignante, rapport à l’hygiène.

Ça c’est pour les journalistes installés. Je ne parle pas des petites mains, qui rêvent de prendre leur place, et qui se contentent encore de travailler, c’est-à-dire de relayer la parole des starlettes et les polémiques inhérentes au festival. Ceux-la ne voient pas les films.

Bien que je sois aussi journaliste, j’y vais donc de mon plein de gré, sans logement de fonction ni pass presse. Tout en refusant cette hypothèse, sans pouvoir vous empêcher de la penser, il se pourrait que j’espère un jour intégrer ce milieu des paillettes, mais côté scribouillard. Si j’empruntais le dixième de cette voie, ressortez-moi ce papier.

Sachant que je n’ai perdu aucun pari, différentes issues existent pour expliquer mon déplacement. Soit il s’agit de prendre des vacances le plus loin possible de la Bretagne, tout en restant en France métropolitaine. Je ne l’exclus pas, mais dans mon cas ça s’appellerais un congé sans soldes et franchement, il y a des coins plus jolis que Cannes à visiter. Soit j’y vais pour rire, auquel cas ça commence à faire cher la cure. Soit j’y vais pour prendre le pouls du vrai pays, de la France qui souffre. Non, je déconne.

Je suis sûr qu’il y a une bonne raison de se rendre à Cannes. Il y a sans doute d’excellentes choses à y apprendre sur la vacuité humaine. De nouveau, ce blog va soulager ma conscience en donnant à ce voyage une caution pseudo-journalistique, pour un mec soit-disant détaché, mais qui participe pleinement à la farce. Rassurez-vous, je ne vais pas y faire de vieux os. J’y serai du jeudi 16 au lundi 20. C’est amplement suffisant.

Le Terminal

Le festival 2010 se termine seulement que 2011 est déjà dans toutes les têtes. A l’image d’une édition peu charismatique, la palme d’or sera difficile à retenir dans quelques années. Quelle est-elle déjà ? Ah oui… Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures. Cette palme-là, il fallait la voir pour la croire !

Rendez-vous à Cannes l’an prochain, peut-être, ou dans d’autres contrées pour d’autres découvertes !

Le ‘red carpet’ est-il vraiment inaccessible ?

Dans un précédent billet, mon camarade Vivien se plaignait de la difficulté à monter sur le tapis rouge. Il se basait sur son expérience avant la projection du Projet Frankenstein, samedi 22 mai. Pourtant, il a bien fini dans un des confortables fauteuils du Grand Théâtre Lumière…

Le second "pass" (presque) indispensable

En réalité, ce que Vivien omet  ne signaler, c’est que le nœud papillon figure au ‘dress code’ du Festival. Je n’ai pas retrouvé où figurait cette note dans le paperasse fournit lors de notre accréditation, alors un article de la Voix du Nord suffira à prouver que Vivien est en quelque sorte un privilégié. Il a eu la chance de gravir deux fois les marches en cravate et avec des pompes marrons.

Le protocole est strict, mais il en va de la réputation du Festival. Or, c’est cette réputation cultivée année après année qui en fait un événement médiatique (et mondain) mondial.

Je pense même que cette mythique montée des marches n’est pas si difficile à effectuer. La preuve, nous, modestes étudiants venus de l’autre bout de la France, l’avons accompli à deux reprises. Seule la cérémonie de clôture, pour laquelle nous n’avions pas obtenu d’invitation, nous a échappé. Du moins dans le Grand Théâtre Lumière, car la retransmission dans la salle Debussy s’offrait à nous comme heureuse alternative de dernière minute ! Les accréditations Cinéphiles, distribuées à près de 4.000 personnes, sont faciles à obtenir. Un smoking peut se faire prêter si on ne veut pas dépenser 100€ , soit un trentième des frais de scolarité pour un an à l‘ESJ Lille.

Le plus dure est de savoir qu’on peut le faire. Il va sans dire que l’accès à l’information n’est pas le même selon sa catégorie sociale. Mais cela n’est pas dû au Festival lui-même. Il aurait fallu que nous soyons présents au début du Festival, où paraît-il les cinéphiles sont plus nombreux, pour vous dire si c’est fameuse accréditation « bas de gamme » a la même valeur tout au long du Festival. Mais si c’est le cas, nous avons bien choisi nos dates en visionnant le film « palmé » et quelques autres.