Ni fait, ni à refaire #dimanche19

Il n’y a pas de plaisir sans peine, dit le proverbe français. En manque de bonne bouf’, d’accès aux salles, de films potables et de sommeil, ça devait donc être l’extase. Vous imaginez bien que non. Dernière journée de galère.

9 h 30. L’oxygène manque dans l’habitacle. Je viens d’émerger, le soleil tape sur le pare-brise. Il est temps de quitter mon sac. La bonne nouvelle de cette matinée, celle qui me redonne le sourire à la suite d’une journée pourrie, c’est qu’un peu par hasard, nous avons échoué la voiture au port de plaisance de la Rague. Et qui dit port, dit douches. Ces dernières se révèlent être bien cachées.

10 h 30. Vivien ne profitera pas de la vue sur la Méditerranée qu’offre « le port le plus sympathique de la Côte d’Azur », dixit le site web (ce qui reste à prouver, je n’en connais pas d’autres). Nous quittons Théoule-sur-Mer pour rejoindre notre camping de Mandelieu, quitté hier dans des conditions dantesques. Il s’agit de faire sécher nos affaires avant qu’elles ne moisissent dans le coffre. Ranger et déranger nos valises. Nous perdons un temps fou à répéter ces mêmes gestes depuis vendredi. Je lance dans les airs la « 2 secondes », qui est au chapiteau familial ce que le bateau de sauvetage est à la frégate, puis nous levons le camp.

14 heures. France Info raconte les pérégrinations de Jean-Luc Mélenchon, le roi des trolls, sur la Côte-d’Azur. La veille il était à Antibes. Il y a entonné l’Internationale sur le quai des Milliardaires.

Vivien me dépose près du Palais des festivals. Je décide de rendre aussi visite aux yachts immenses qui mouillent sur des quais quadrillés par les CRS. J’observais le même manège il y a trois ans. De gros bateaux qui attirent des badauds, avec au milieu du quai quelques voitures de luxe accréditées, qui transportent les guest venus à Cannes seulement faire la fête. Voyant le badge qui pendouille à mon cou, certains passants me demandent si je connais les noms de ceux qui dorment ici. Personne ne semble au jus de la composition des invités, ce qui n’empêche nullement les flashs de crépiter.

15 heures. Vivien m’a rejoint près de l’entrée du Village international, donc l’accès nous est interdit. Une consoeure de BFMTV nous apprend que Valérie Trierweiler est dans les environs. Peu de chance toutefois qu’elle se montre sur la Croisette. Trop risqué niveau com’. Il n’y aurait pas pire pour faire perdre à son mari ses derniers soutiens dans l’opinion.

15 h 30. Nous avons chacun une place pour Otdat Konci, de Taisia Igumentseva, film russe diffusé à 16 heures dans la salle du Soixantième. Le synopsis donne envie. Un village est confronté à l’imminence de la fin du monde et décide d’organiser une grande fête. Même si la prophétie ne se réalise pas, la vie des habitants est bouleversée à jamais. Le temps presse, mais je suis Vivien, qui tente une ultime bronzette sur le sable du Cinéma de la plage.

16 h 10. La file des cinéphiles est très longue, sur la terrasse du palais, devant la salle démontable du Soixantième. Nous comprenons vite que nous ne rentrerons pas. Cent-cinquante personnes au bas mot, munies d’invitations, restent sur le carreau. Le surbooking appliqué au cinéma. C’est le coup de grâce. Nous avions trois projections de prévues, la première s’évanouit. La prochaine sera dans cette même salle, dans preque trois heures. Je garderai position jusque là. Vivien décide de retourner à la voiture pour saisir son smoking. Il tentera l’accès de dernière minute pour la projection de 22 heures au Grand Théâtre Lumière. Je n’en ai ni le courage, ni l’envie. En attendant, je me défoule en tapant mon compte rendu du samedi.

19 heures. Quatre réalisateurs indiens sont dans la salle du Soixantième pour la soirée de gala en l’honneur de leur pays, invité spécial du festival. Leurs moyens métrages sont regroupés sous le nom de Bombay Talkies. Aurélie Filippetti est présente, son homologue indien aussi. Thiérry Frémaux, qui coure de salle en salle, fait les présentations. D’après Vivien, les deux premiers films étaient les meilleurs. Dommage, j’ai abandonné la partie. Une courte absence est fatale lors d’un film en VO. Le troisième raconte l’histoire d’un jeune garçon qui rêve de devenir danseuse. Un scénario transposable dans le monde entier. Où est le particularisme indien ici ? Le dernier tourne en dérision le culte dont sont l’objet les acteurs stars de Bollywood. Rien de transcendant.

21 h 45. Le Palais des festivals possède des failles. C’est toujours le dernier jour qu’on les découvre. Bien que les entrées soient toutes gardées, un mot de passe permet d’accéder au noyau du bâtiment via l’accès situé près de la salle du Soixantième. Je vous le dis, au cas ou vous souhaitiez essayer. Le même sésame peut justifier de s’éclipser momentanément d’un examen. D’autres cinéphiles le connaissent et l’utilisent comme Vivien, pour changer de pantalon et passer un nœud pap’. Nous nous séparons. Je visite l’espace presse, quasi désert à cette heure, pendant que Vivien réussit son pari. Il assiste à la projection de Borgman, du suédois Alex Van Warmerdam, en compétition pour la palme d’or.

22 heures. Je retrouve un camarade d’école de journalisme devant les petites marches de Debussy. Qui a dit que les rendez-vous sont impossibles à Cannes. Ça fait juste trois jours qu’on essaye de se capter. Il faut être persévérant. Nous allons manger à l’Avion. Une salade, 11,80 €, une heure d’attente. Notre serveuse débute ce soir. Qui dit mieux ? Adieu l’espoir de boire un dernier cocktail à l’œil sur la plage de l’hôtel 3.14.

00 h 15. Les marches se libèrent pour la dernière fois aujourd’hui. Je suis parmi les premiers à les gravir, sans trop m’y attacher. Une seule photo pour la route. Dans le Grand Théâtre, je choisis l’option du balcon, encore désert. Vivien me rejoint, convaincu par Borgman. Pour l’heure, ce sera Blind Detective de Johnnie TO. Une purge de deux heures vingt. Un film à sketchs sans fin. Du gros nanard asiatique qui tâche. J’aurai tout de même ri de bon cœur à une reconstitution de meurtre délirante, avant que les hurlements des acteurs honk-kongais ne m’achèvent. Que ceux qui ont tenu jusqu’au bout se dénoncent.

3 heures passées. Nous prenons la route, après un slalom entre les villas ultra sécurisées de La Californie, quartier cossu qui grimpe sur l’une des collines de Cannes. France Info diffuse des musiques de films.

5 heures. Je m’endors dans la plus grande promiscuité. J’ai eu le plaisir de faire la rencontre de la police municipale de Mandelieu quelques minutes plus tôt. Mon attitude les a alertés. Ils passent trois fois à ma hauteur, dans un sens puis dans l’autre, alors que je fouille dans le coffre de la voiture, garée au bord de la route, en quête de mon chargeur. Les flics s’arrêtent, me voient les clés à la main. « Ne laissez rien de valeur dans votre voiture monsieur ». Hypocrite.

Si je me demandais il y a peu qu’est-ce qui pouvait bien me pousser à passer trois jours à Cannes, je sais au moins maintenant pourquoi je n’y retournerai pas. Du moins, pas dans dans ces conditions. Cannes est un festival professionnel qui rejette le public lambda derrière sa télévision. Sa dimension mondaine en fait un événement plus difficilement accessible encore.

C’est une expérience de l’exclusion. Vivre l’inégalité est certainement le meilleur vaccin pour la combattre. Ce séjour n’en reste pas moins d’une grande violence. La discrimination économique et sociale se niche dans le moindre détail.

Je plaide coupable pour le manque de préparation. Quel gâchis ! Tant d’énergie dépensées pour un résultat aussi piteux. Je m’en veux. Ce festival 2013, je ne l’ai pas vraiment fait. J’étais de l’autre côté de la barrière et pourtant pas tout à fait nu, avec mes quelques places dans la poche. J’étais à la marge, tenu à l’écart. Le grand écart entre le camping et la Croisette était séduisant, mais seulement sur le papier. En pratique, il est impossible. Et je ne compte certainement pas le réessayer.

Sous le déluge, exactement #samedi18

 C’était prévisible. Comme attendu. Nous avons marché vers cette journée tel un paquebot qui foncerait droit embrasser un iceberg, les cheminées fumantes. Comme si nous le cherchions. Car, avouons-le, nous l’avons mérité. Cette journée est un échec. Vivien refuse cette version, mais les faits sont là. Deux films vus, plus de domicile et une ambiance pourrie. On rembobine.

9 heures  Il pleut. La tente subit les impacts incessants et amplifiés des gouttes. Je suis encore au sec. Ce sont les dernières minutes de répits. L’averse a commencé au moment d’enregistrer mon dernier billet du blog et de débrancher nos appareils en charge, après 5 heures du matin. La douche est un ultime réconfort, un cocon de flotte, le sas de décompression qui indique le caractère humide de la journée.

10 heures. Il faut plier notre (trop) grande toile, ranger les affaires qui ont commencé à prendre l’eau. Le sol est marécageux.

12 h 30. Trouver une place pour la voiture prend une plombe. Nous la laissons finalement entre le front de mer et la ligne de chemin de fer. De beaux rouleaux creusent le sable. Les parapluies se déchirent. Nous sommes instantanément trempés jusqu’aux os.

13 heures. La première tentative pour accéder à une séance, salle Debussy, via la file dite de « dernière chance », que l’on pourrait renommer « dernière croyance », est infructueuse. Dans la file d’attente, une vieille cannoise raconte qu’en mars, il a plu cinq jours sans s’arrêter.

13 h 30. Il n’y a forcément pas foule sur la Croisette, personne ne songerait à se donner en spectacle en mode éponge.

14 heures. Nous nous réfugions sur le bar de la plage privatisée, où nous sommes passés la veille. Les parapluies sont entassés à l’entrée. La carte propose des boissons hors de prix. Le thé est à 6 euros. Je ne bois rien.

16 heures. L’accueil de Cannes Cinéphiles est peu fréquenté. Il reste des places pour une projection à 19 heures, ainsi que pour la séance de minuit. L’honneur sera sauf.

18 heures. Le Grand Journal est annulé. Un match à Nice aussi. Il pleut toujours.  Nous regardons Eva Longoria, Jane Fonda, Steven Spielberg, mais aussi Harry Roselmack ou Rémi Pflimlin monter les marches, accoudés sur une barrière derrière les photographes. Certain festivaliers, bien qu’habillés, sont privés de tapis rouge. Certains passent visiblement en colère devant nous.  Vivien me fait remarquer les élus (souvent socialistes), ainsi que les personnalités des médias venus attirer les flashs sur leur humble personne.

19 h 15. Bertolucci et son chapeau sont dans la salle du Soixantième. Le réalisateur va assister comme nous à une première, la projection de son Dernier empereur en version 3D. Le film dure près de trois heures. Je l’ai déjà vu il y a tout juste quelques semaines à la télé. J’aurais préféré venir à Cannes faire de vraies découvertes, mais premièrement, on parle ici d’un grand film et deuxièmement, ce temps sera précieux pour retrouver des pieds secs, même de façon éphémère.

22 h 30 environ. Vivien crie famine, il est en quête d’un kebab. Nous nous posons sur une table en formica. Des Italiens en costard se resservent en kechup à coté.

Une enceinte crache un boucle un morceau d’électro mainstream déjà entendu plus tôt dans la voiture.La musique n’est interrompue que par l’appel d’un ami du patron, qui est retransmis par ce haut-parleur improvisé. Le patron qui se désole de la pluie. Même si il ne s’installera sans doute pas dans un fauteuil du palais, ce déluge est un manque à gagner certain pour sa boutique.

23 h 30. C’est notre dernière file d’attente de la journée. Nous allons voir Monsoon Shootout, d’Amit Kumar, au Grand Théâtre Lumière. Cette dernière montée des marches est filmée, retransmise sur l’écran géant accroché sur le palais. Sauf qu’aucune célébrité n’est attendue pour la séance de minuit. Le smoking n’est plus exigé.

Un homme monte en k-way jaune. Les escabots qui font face aux tapis rouge sont désertés. Quelques photographes jouent encore le jeu, sans doute ceux qui vendent les photos aux inconnus qu’ils ont shooté, le lendemain, dans une boutique proche du palais.

2 heures. Nous quittons la grande salle. Le thriller indien nous partage. Je ne vois pas les clichés que Vivien reproche au film, qui se déroule dans une de ces villes indiennes surpeuplées et sales. Avoir vu Slumdog Millionaire n’est pas suffisant pour tirer des généralités sur le cinéma indien.

Amit Kumar a souhaité nous interroger sur la notion de destin. Trois fins différentes sont proposées à une base. Un jeune flic intègre a le choix entre tuer un fuillard, le blesser, ou hésiter et finalement le perdre. Rien n’indique qu’une solution soit meilleure qu’une autre. La narration n’est pas commune. Il y a des maladresses, mais l’histoire est prenante. Cette mousson (monsoon) me fait prendre conscience que je ne supporterais pas de vivre en Inde.

3 heures. Après maints pourparlers, c’est la solution d’une nuit en voiture qui est retenue. Nous nous garons sur le parking d’un port de plaisance. Éprouvés. Je ne regrette pas d’être venu. J’avais conscience que ce projet était galère et un peu fou.

Je suis simplement consterné d’avoir cru que le festival de Cannes pouvait être agréable à vivre sans un minimum de préparation et surtout, sans toit. La pluie est un aléa prévisible. Je me promets de ne pas y goûter de sitôt. Avec un pass Cinéphiles, la course aux places a comme pendant, la durée interminable des queues. Il est tard, je fatigue et m’énerve. Mon moral est atteint. Dehors, les réverbères ne mettent plus en lumière la chute des gouttes.

La Croisette n’a pas changé #vendredi17

Une succession d’aires de repos et de péages sur 900 km, un ciel qui se déchire sans répits sur notre tente, une bonne nuit de sommeil, malgré tout, et nous voici sur la Croisette.

Nous reprenons nos marques rapidement. Les yachts, tous plus grands les uns que les autres, les voitures de sport, les vieilles à caniche. Cannes n’a semble-t-il pas beaucoup changé depuis trois ans. Seule cette immense structure, qui a accueilli la soirée de Gatsby (mais sans Di Caprio) cache encore davantage la vue sur la Méditerranée.

10 heures. Notre seul objectif est à cette heure d’obtenir nos pass cinéphiles. Nous dégotons en prime des places pour Visions of Eight de Claude Lelouch (projeté en sa présence). Sur la route vers le parking, nous avons failli écraser Julien Clerc.

13 h 30. Après nous être heurtés aux vigiles qui gardent l’entrée du Marché du film, nous entamons notre première queue pour voir Miele de Valeria Golino en sélection Un certain regard. L’histoire d’une jeune femme, (le sosie de Najat Valaud-Belkacem, même si Vivien refuse cette comparaison) en Italie, qui aide des malades à mourir en leur procurant du poison récupéré dans des pharmacies mexicaines. Sauf qu’un jour, ce n’est pas un malade qui veut mourir. Il y a-t-il de la déontologie quand on travaille hors du droit ?

15 heures. Cinéma de la plage, sans film, mais avec du soleil et un kéké qui improvise le tournage d’un clip entre les filles en maillots et les vieilles en chapeaux.

16 h 50. Nous avons séché Visions of Eight pour un coup de dés. Chercher d’hypothétiques places pour les projections de la sélection officielle. Une heure d’attente sur le trottoir et finalement des billets. Ce sera Tian Zhu Ding du chinois Jia Zhangke à 22:30. On nous dit que « c’est bien mais longuet ».

18 heures. Vivien claudique, le pied blessé par ses chaussures neuves. Nous passons devant le plateau du Grand Journal, où un mouvement de foule provoquera l’interruption de l’émission quelques minutes plus tard. Pour l’instant, Daphnée et Michel répètent, Le Petit Journal tourne pas très loin de là une séquence sans doute indigente sur une « fausse téléréalité », tandis que le bas peuple regarde les voitures aux vitres teintées quitter le Majestic pour conduire les invités qui monteront les marches pour Le Passé à 19 heures.

20 heures. Sur un parking gratuit, loin de la Croisette, du défilé des voitures officielles et des touristes aux regards vides, les CRS cassent la croûte à côté de nous. La nuit tombe, mais pas l’excitation des fêtards en quête de jolies blondes pour accéder aux soirées privées.

21 h 40. Après de longues minutes pour stationner la caisse, on se décide à mettre nos chemises blanches. Dernier check-up, rien d’oublié, ni l’invitation, ni le noeud-pap’. Mince ! Mon badge. Sprint vers la voiture, récupération du bout de plastique, sprint vers le blockhaus du festival. Les minutess sont comptées, notre accès ferme à 22 h 10.

22 h 10. Seuls, Vivien et moi montons les marches. Les photographes tirent la gueule, ils attendent l’équipe de Tian Zhu Ding pour déclencher les flashs. Vivien grimpe à toute allure, juste le temps pour moi de faire du air guitar sur une musique des Rolling Stones. La grue directionnelle pointe sa caméra à bout portant. Cette séquence est une blague. Dans la précipitation, mon noeud-pap’ est à l’envers, mes boutons de col défaits, mon front suant. Ceci n’était pas prémédité. Je ne souhaitais même pas casser le protocole, mais dans le Grand Théâtre Lumière, les plus attentifs ont dû bien rire. La monté des marches y est retransmise sur l’écran.

22 h 30. Les acteurs jouent le jeu du tapis rouge. Très loin de leurs préoccupations, une info vient de tomber. Guingamp monte en Ligue 1, ceci est une belle soirée.

22h53. Les scènes de meurtres (dans le film, pas devant Le Majestic)  se succèdent. Un des héros du film charge un canon de fusil. Vivien se penche vers moi : « ce n’est pas une solution », me dit-il, avant de me fixer pendant 30 secondes. Je reste calme.

00 h 45 environ. La séance s’est conclue sur des applaudissements assez nourris du public. D’ailleurs, la salle était assez garnie par rapport à notre dernière venue ici, même si il restait beaucoup de sièges vides sur les côtés (de quoi mettre en rage beaucoup de cinéphiles, je pense).
Tian Zhu Ding est un portrait de la chine contemporaine, ce pays qui évolue trop vite pour ne pas bouleverser les Chinois. Les drames se succèdent. On sait pourquoi la censure a sévi pour empêcher le film de sortir dans l’Empire du milieu. La scène où des prostituées, habillées en militaires, dansent sur l’Internationale devant les clients d’une maison clause haut de gamme suffit certainement à mettre en rogne les censeurs chinois. C’est d’ailleurs d’autant plus heureux que le film soit diffusé à Cannes.

1 heure. Direction une soirée privée où nous sommes invités en tant que « blogueurs influents » (!). Une des rares plages qui restent animées à cette heure pourtant peu avancée dans la nuit. Aline s’est produit ce soir, C2C hier, mais nous arrivons simplement pour l’after. Une pensée pour les Pinçon-Charlot qui auraient apprécié y décrypter les codes de ce monde que nous découvrons. Puisque nous avons désormais traversé le rubicon menant vers le côté obscur, autant en profiter. Nous dansons.

2 heures. Les DJ’s ont remballé leurs platines, les serveurs, as du jonglage, ont rangé les bouteilles de vodka. Terminus, retour sur la Croisette, dernière marche et départ vers notre camping à Mandelieu-la-Napoule. Un attroupement se forme soudain. « C’est Benicio del Torro » nous dit un photographe.
Sur la route, le journal de la RTS, diffusé sur France Info, annonce dans ses titres les incidents du jour à Cannes. Le vol des bijoux de Chopard, les tirs à blanc d’un cinglé devant Le Grand Journal. C’est peut-être tout ce qui restera de Cannes dans un an. Nous y avons pourtant vu autre chose : deux bons films, qui tranchaient radicalement avec la superficialité absolue du cadre cannois. Pays de schizophrènes.

Nuit blanche d’avant Cannes

Un petit billet nocturne en passant. Le blog commence à avoir des lecteurs, donc autant vous expliquer un peu ce qui risque de se produire ici dans les prochaines heures, dans l’hypothèse où certains d’entre vous souhaiteraient revenir.

Ce blog est lié au webzine La Déviation. La relation est assez consanguine puisque nous sommes aussi confondateurs de ce site.

Certains de nos billets y seront repris, si ça vaut le coup. C’est surtout là-bas qu’est hébergé notre « report live ». C’est à dire qu’on alimente un flux Storify et qu’on participe à une liste Twitter spéciale festival. Vous pouvez aussi lire nos tweets sur la colonne de droite de ce blog, mais c’est plus joli sur La Déviation on peut voir les photos et les vidéos directement dans le fil.

Ceci étant dit, le festival a donc commencé sans nous. J’ai essayé de m’intéresser à la cérémonie d’ouverture. En vain. On prend la route ce matin, autant dire que je commence ce périple par une nuit blanche, ce qui va me mettre de bonne humeur.

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Je pense qu’il suffit que je vous explique les conditions de notre séjour à Cannes pour que vous compreniez notre état d’esprit. Ce qui se profile ce sont dix heures de route, avec des covoitureurs encore inconnus à cette heure-ci.

Pour moi, ce sera quelques heures de train en plus pour aller jusqu’à Paris.

Comme nous n’avons ni pote jet-setter, ni fortune personnelle, nous allons poser nos tentes sur un coin d’herbe. Au sens propre. On accepte toujours les plans de couchsurfing, mais il me semble que cet horizon s’éloigne. Tout ceci ne va pas nous faciliter l’accès au Wifi (bonjour la mairie de Cannes). La publication ici est donc super aléatoire, bien que nous embarquions tout le matos nécessaire dans le coffre.

Sans compter la flotte qui doit tomber comme vache qui pisse jusqu’à lundi. Je sens décidément que je vais être de bonne humeur.

Ce soir j’ai une pensée pour ce couple, filmé par StreetPress en 2010, qui a pris l’habitude de loger pendant le festival au camping de Cannes. Charly et Pauline, réservez-nous une boîte de thon, on arrive !

Pourquoi Cannes ça peut aussi être sympa

Je me sens vraiment poisseux d’aller à Cannes. Aujourd’hui, s’afficher parmi les nantis relève de l’immoralité la plus crasse. Adepte de la méthode Coué, je vais toutefois essayer de me convaincre que je ne suis pas un social-traître en m’astreignant à un petit exercice laudateur. Cannes, ça peut aussi être sympa…

  • Parce que c’est un refuge pour les réalisateurs inquiétés dans leur pays et que les programmateurs font preuve de constance. La situation du réalisateur iranien Jafar Panahi, arrêté pour « propagande contre l’État islamique », a été mise en lumière en 2010 par le festival. Une chaise avait été laissée vacante dans le rang du jury. Mohammad Rasoulof n’avait pas pu se rendre en 2011 à Cannes pour recevoir le prix Un certain regard pour Au revoir. Il revient cette année avec Dast-Neveshtehaa Nemisoosand, diffusé dans la même sélection.
  • Parce que j’ai un nœud pap’ qui traîne dans mes affaires. Je ne savais pas quoi en faire, bah voilà.
  • Parce que les polémiques, c’est mieux que le consensus mou. Et des polémiques, Cannes s’en nourrit. Qui n’a pas entendu Pialat, dans une archive de l’Ina, répondre aux huées par son « si vous ne m’aimez pas, je peuux vous dire que je ne vous aime pas non plus !« ,  alors qu’il reçoit la palme d’Or pour Sous le soleil de Satan, en 87 ? En 2004, Tarentino sort un gros fuck à G.W. Bush en remettant la palme d’Or à Michael Moore pour le documentaire Fahrenheit 9/11, dont le but avoué était d’éviter un second mandat du texain. Ou comment Cannes a tenté de changer le destin du monde.
  • Parce que justement, voilà bien quelque chose que les Ricains nous envient. Hollywood n’a jamais réussi à imposer un événement international de l’envergure de Cannes. Même si il est vrai que Cannes est au cinéma américain, ce que le Koweit est à son pétrole.
  • Parce que si Guingamp bat Ajaccio vendredi et monte en Ligue 1 pendant la projection de Tian Zhu Ding de Jia Zhangke, je fais un slam dans le Grand Théâtre Lumière jusqu’à la rangée des acteurs.
  • Parce que ça donne une visibilité inattendue à des films qui le méritent, mais qui n’ont pas les moyens de communication de la Warner. Je pense à Quatre mois, trois semaines, deux jours, du roumain Cristian Mungiu, palme d’Or surprise en 2007.
  • Parce que samedi j’aurai une bonne excuse pour rater l’Eurovision sur France 3. Par exemple il y a Soshite chichi Ni Naru de Kore-Eda Hirokazu en sélection officielle à 22 heures (non non, Cannes ce n’est pas que du cinéma asiatique…).
  • Parce que dans le palmarès on trouve Le Salaire de la Peur, Taxi Driver, Apocalypse Now, Pulp Fiction, Rosetta, Le Pianiste, etc.
  • Parce que ça fait vendre du papier. Et finalement, c’est de ça que je vis.